[Review VO] Arkham Manor #1

Les points positifs : Bonne introduction Une ambiance intéressante Des dessins avec de la personnalité Les points négatifs : Quelle direction pour ce titre ? Une semaine plus tard, ça aurait été bien aussi, non ?

« This is the best outcome from a list of terrible options. » – Bruce Wayne

• Scénario : Gerry Duggan – Dessins : Shawn Crystal  – Couleurs : Dave McCaig – Couverture : Shawn Crystal et Dave McCaig

• DC Comics – Arkham Manor #1 – 32 pages – 2,99$ – 22 octobre 2014

Oubliez l’Asile d’Arkham, ce dernier n’est plus ! Commençant par une introduction qui vous spoilera les évènements de Batman Eternal #30 – bien que ce numéro ne sorte que la semaine prochaine, oh lalala le bordel éditorial chez DC – Arkham Manor #1 ne s’empêtre de rien pour vous balancer directement dans le vif du sujet, ou du moins vous expliquer de quoi il en retourne. Pour une raison inexpliquée pour le moment, l’Arkham Asylum n’est plus, et les mesures du Maire de Gotham City pour reloger les détenus de l’Asile qui sont, il faut le rappeler, parmi les criminels les plus dangereux et les plus dérangés de la terre (il y a Freytaw là dedans, tout de même !), ne conviennent à personne. Non parce qu’une église ou un stade de foot, tous deux situés en plein coeur de la ville, ça ne rassure personne. Et comme personne n’a de plans pour bâtir des murs autour d’une partie de Gotham et y mettre tous les vilains dedans (ce qui serait une idée jamais vue, non ?), le maire va faire saisir la vieille bâtisse du Manoir Wayne, qui ne sert à personne ; puis de toute façon apparemment Bruce Wayne a perdu toute sa fortune (là aussi, c’est lâché comme ça et je suppose qu’Eternal nous l’expliquera mieux), et il vit dans son propre appartement, pas dans le Manoir, alors hop ! Question réglée. Et que le Manor Wayne est renommé en Arkham Manor (j’ai d’ailleurs relevé à ce propos là un commentaire assez juste ComicsAlliance, c’est que le nom d’Arkham devient réellement une « marque » à soi, qui n’a pas besoin d’un « Batman » en préfixe pour se vendre… on l’avait déjà constaté avec Arkham War, même si cette dernière bénéficiait du titre « Forever Evil »… passons). Une présentation de la transformation du bâtiment joliment mise en scène, avec cette « destruction » du W mythique des Wayne, tout un symbole.

Parce que le symbole est bien présent. Si pour le Maire de Gotham, le Manoir Wayne n’est qu’une vieille bâtisse, pour Bruce et Alfred c’est bien évidemment tout autre chose. Dernier témoin des quelques années heureuses qu’a pu vivre Bruce, mais également le lieu dans lequel ce dernier a pu forger celui qu’il est devenu (l’histoire le reliant au manoir étant illustrée de façon ingénieuse), et où Alfred a pu l’assister du mieux qu’il pouvait. On va pas se mentir, l’émotion est clairement là pour nos deux protagonistes, qui ne respirent décidément pas la joie de vivre. Attention, on est pas dans du grim & gritty non plus, c’est une ambiance plus intimiste, plus proche de la psychologie des personnages, avec bien entendu un ton assez glauque… plusieurs points qui me rappellent, toute comparaison se gardant d’être faite pour le moment, bien entendu, un certain graphic novel de Morrison sorti il y a plus de vingt ans… Sauf que la situation est ici inédite, et c’est en cela que l’intrigue a de quoi être très excitante, même si on ne sait pas encore dans quelle direction elle va se diriger. Je l’ai dit, Gerry Duggan se concentre sur l’état d’esprit de notre super-héros préféré, et on sent tout au long des pages une certaine amertume d’avoir accepté de laisser le Manoir de ses parents aux fous d’Arkham, et c’est frappant lorsqu’on le voit se dire que c’était la meilleure chose à faire – et qu’on sent bien qu’il n’y croit pas du tout. On sent que toute cette affaire le tracasse, et il laisse même sa mauvaise humeur prendre le dessus dans une scène qui pourra en déranger certains par le côté très gratuit de la chose – bien que personnellement ça ne m’ait pas dérangé.

Et s’il n’était que question d’héberger les super-vilains dans un Manoir fermé, il faudrait juste souffler un bon coup et se dire que ce n’est qu’une question de temps. Seulement voilà, un meurtre est commis dans le Manoir. Hé oui. Et un deuxième. C’est balo. Ce qui va amener notre cher Batman à prendre une décision qui, là aussi, me rappelle ce fameux graphic novel de Morrison… Je suis resté donc très intéressé par ce début, et maintenant la vraie question c’est de voir dans quelle direction va aller la série. Parce que je veux bien qu’on nous fasse un petit train fantôme de la psychologie de Batman lorsqu’il revisite la maison de son enfance, complètement dénaturée par ce qu’il s’y passe à présent, qu’on joue avec ses états d’âme, et qu’on verse dans le thriller psychologique (c’est pour le moment bien parti). Mais on parle d’une série qui s’appelle Arkham Manor. Et si ça pouvait s’orienter du côté de la série carcérale à la Oz, ou du moins qu’on se concentre vraiment sur les personnages qui vivent dans le Manoir, et qu’on laisse le Chevalier Noir sauver sa ville de son côté (non parce qu’Eternal ça continue, et on va encore se retrouver avec le problème de l’omniprésence de Batman), je crois que ça m’irait très bien. Un début plutôt enthousiasmant, mais j’attendrais de voir la suite pour vraiment m’enthousiasmer.

Concernant la partie graphique, Shawn Crystal est un artiste qui a la bonne idée d’avoir « une patte ». Et ma collègue du dessous fait habilement une allusion à Sean Murphy, et si ça ne m’est pas venu à l’idée au départ, je trouve ma foi que la comparaison peut se faire. Les traits sont effectivement anguleux, on retrouve pas mal de tracés de remplissage, mais reste que le découpage est assez classique. Non pas que le classicisme ce soit mal, bien entendu. Par moments, le Batman aura des proportions un peu étranges, mais l’ensemble des planches dégage un certain charme, et participe beaucoup à l’ambiance poisseuse du titre. Crystal profite également de quelques occasions pour nous placer de jolis effets de style (l’arrivée au Manoir en Batmobile) ou quelques trouvailles visuelles qui servent la narration (les flashbacks incrustés), le tout aidé par une colorisation qui magnifie le tout. Alors oui, dans l’ensemble c’est assez sombre, mais au vu du thème abordé, c’est un peu normal, non ?

S’il n’y avait besoin que d’une seule chose pour m’étouffer d’enthousiasme, ça aurait été simplement que Duggan donne une direction plus appuyée dans ce numéro, ou nous fasse un peu plus de rentre dedans avec l’histoire. Car on nous introduit bien le concept, et la narration au plus près des personnages et de leur psychologie permet de voir le potentiel que ce titre peut avoir avec cette idée pas totalement folle, mais bien nouvelle. Il y a une véritable ambiance, assez lourde, d’installée, aidée par les dessins d’un Shawn Crystal qui a l’avantage (ou le défaut) d’avoir une patte bien à lui. C’est avec plaisir donc que je poursuivrai la lecture du titre, mais attention ! Il va en falloir un peu plus pour me charmer !

Un avis supplémentaire c’est bien aussi !

Ce premier numéro de Arkham Manor est semble toute une bonne surprise. Le choix du manoir est, il est vrai, surprenant mais non pas dénué de sens. J’ai beaucoup aimé voir le travail du choix jusqu’au final et l’installation des patients dans le manoir qui est leur nouvel asile. C’est original, et même un peu glauque. On sent une certaine pression, une certaine ambiance, et ce n’est pas le Batman de cette histoire qui va apporter un peu de gaieté. Il peut paraître encore plus sombre et agressif que d’habitude. N’allez pas non plus croire que tout est bien qui finit bien, on parle quand même d’un déplacement des plus grands fous furieux de Gotham, donc forcément tout ne se passe pas du tout comme prévu, et le sang coule dès la première installation.
J’ai beaucoup aimé la planche qui confronte l’entrée du jeune Bruce au manoir face à l’entrée de Batman, puis voir à travers son chemin les différences entre les établissements. C’est intéressant. Les planches ne sont pas sans rappeler le style de Sean Murphy, très angulaires, très barbouillées. Mais du coup, ce fouillis colle assez bien avec l’ambiance qui se dégage du numéro. C’est une bonne surprise, non pas transcendante, mais qui me fera revenir avec plaisir pour le second numéro !

– Harley