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Les points négatifs :
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« I hope you find what you’re looking for… »
- Scénario : Simon Oliver – Dessins : Robbi Rodriguez – Couleurs : Rico Renzi – Couverture : Nathan Fox
- Vertigo – FBP : Federal Bureau of Physics Vol. 2 : Wish You Were Here – 24 septembre 2014 – 144 pages – $14.99
Vous voulez lire de la bd américaine mais vous en avez marre des super-héros ? Vous recherchez quelque chose de différent, d’original, une véritable expérience de lecture ? Bon. Alors on va pas se la faire par quatre chemins, si tel est le cas, vous avez potentiellement accès à une quantité phénoménale de comics chez tous les éditeurs existants qui devrait vous satisfaire. Mais ici on va un peu plus se concentrer et repartir, si vous le voulez bien, dans l’univers de FBP : Federal Bureau of Physics (question test : qui se souvient encore que la série s’est appelée Collider le temps d’un numéro ?) qui nous retrace l’arc Wish You Were Here au sein de ce second TPB de la série, qui porte le même nom.
Les agents Jay Adam et Rosa Reyes sont envoyés dans la ville de Nakeet en Alaska afin de procéder à la fermeture d’un centre de recherche du FBP, qui a décidément bien du mal à trouver des fonds pour financer ses infrastructures et ses employés. Ô comme cette situation me rappelle quelque chose… Nakeet est une petite ville tout sauf tranquille, puisqu’elle porte le surnom de ville la plus folle du nord des Etats-Unis, dans laquelle les anomalies de la Physique sont tellement courantes qu’elles en sont devenues des attractions touristiques. C’est dans cet endroit paumé et étrange que le FBP avait donc naturellement décidé d’installer l’un de ses labos. Et parmi les équipements encore en activité, subsiste un appareil sophistiqué, un matérialisateur de réalité, qui permet à celui qui l’utilise de plonger dans un nouveau monde qu’il aura généré par sa conscience. Jay et Rosa vont donc tester le dit équipement une dernière fois avant de le débrancher…
Nous suivons donc les déambulations des deux agents dans cette réalité différente, mais somme toute assez proche de la leur – il serait difficile de générer une réalité qui différerait radicalement de ce que l’on connaît – et si certains éléments placés dans les précédents numéros sont évoqués (la quête de Jay par rapport à son père, la machination qui se trame dans le fond), l’histoire en elle même peut se suivre toute seule au sein de cet arc et s’intéresse beaucoup plus à ses personnages qu’à l’action. Deux personnages qui se caractérisent tous deux par une très grande solitude intérieure, à qui il manque clairement quelque chose en leur intérieur pour être comblé (les mecs, arrêtez vos blagues vaseuses, j’essaie d’être poétique), et qui vont sans s’en rendre compte finir par se rapprocher et apprendre à se connaître. C’est notamment le passé mystérieux, et un peu fou, de Rosa Reyes qui sera exposé, et qui légitimera ensuite le cours de l’action et les différents rebondissements. Jay Adam et Rosa donnent l’impression d’être bien plus perdus qu’ils ne le sont en réalité, et ce ne sont pas les quelques anomalies de Physique qui les sortiront de cet état.
Comme à son habitude, Simon Oliver continue d’explorer certains principes physiques en essayant d’être le plus simple possible, mais si, même pour des confirmés à la lecture dans la langue de Kanye West, certains passages verbeux pourront se révéler difficiles d’accès. Et on y retrouverait presque du DC là dedans d’ailleurs, puisque l’auteur décide de nous parler de réalités parallèles, mais en abordant la chose sous un tout autre angle, avec l’idée que pour chacun, il existe une multitude de réalités parallèles dans laquelle chaque évènement réalisé au cours d’une vie aura été différent. Dans l’une, vous n’auriez pas quitté votre copine avec laquelle vous étiez depuis longtemps ; dans l’autre, votre père serait toujours en vie. Dans une autre, votre enfance aurait été complètement différente – là je fais référence clairement au passé de Rosa (mais sans spoiler), et ce qui m’a paru assez incroyable pendant cette lecture, c’est une impression de mélancolie qui se dégage de l’histoire, des personnages, de ce qu’on nous raconte. Et notamment cette histoire de réalités parallèles qui je pense, parlera à tout le monde plus ou moins (on s’est tous imaginé ce qu’aurait pu être notre vie si telle ou telle chose s’était passée différemment, non ?). Ce n’est pas une sensation très agréable à ressentir, mais ça rend la lecture très intéressante, dans le sens que j’estime que c’est toujours un point de plus lorsqu’un auteur arrive à vous faire dépasser le simple divertissement par son oeuvre. Après, ça reste un ressenti personnel, que vous ne partagerez peut-être pas.
Outre cette histoire captivante, avec un final qui se veut plus terre-à-terre, il me faut à nouveau accorder un paragraphe pour souligner l’importance de l’identité graphique de la série. Comparé au premier tome dans lequel Robbi Rodriguez s’amusait à déformer les personnages de façon grotesque lorsque les anomalies se manifestaient ici, on sent que l’artiste a recherché à représenter les choses différemment. Ses traits sont toujours très fins, pas trop détaillés (avec beaucoup de fonds vides), mais avec des personnages toujours aisément reconnaissables. Le style se veut un côté un peu cartoon qui justifie les invraisemblances que nous sommes amenées à voir, et il profite de splash pages pour faire oeuvre de son imagination, avec certains effets qui sont absolument magnifiques – même si des fois on est pas sûr de ce que l’on voit. Et le tout est magnifié par les couleurs de Rico Renzi, qui donnent une âme aux dessins. Et je crois pouvoir affirmer que la collaboration entre l’artiste et le coloriste doit être très étroite tant on sent que les scènes dépeintes ont été pensée pour pouvoir jouer à fond des couleurs, jusqu’à l’abus. Mais toujours dans un style rafraichissant et de toute beauté, si vous y êtes sensible.
Par rapport à ce que je rapprochais à la série dans son premier volume, à savoir son manque de direction, je ne suis pas sûr de pouvoir affirmer que le tir est corrigé, mais l’arc auto-contenu dans ce TPB est tellement solide qu’il éclipse largement le reproche. L’histoire, riche et captivante, arrive à nous emmener au-delà des simples images et amènent à la réflexion, à l’évasion, apportant une expérience de lecture qui, pour moi, m’a sorti de l’ordinaire. D’un côté plus terre-à-terre, le récit est une solide science-fiction qui nous montre ce qu’un auteur, un artiste et un coloriste de talent sont capable de faire ensemble. On en veut plus, des récits comme ça !